Le Huitième Jour de la semaine
« À l’enfant qui me demanderait ce que c’est que la beauté – et ce ne pourrait être qu’un enfant, car cet âge seul a le désir de l’éclair et l’inquiétude de l’essentiel – je répondrais ceci : est beau tout ce qui s’éloigne de nous, après nous avoir frôlés. Est beau le déséquilibre profond – le manque d’aplomb et de voix – que cause en nous ce léger heurt d’une aile blanche.
La beauté est l’ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent, aggravant soudain la légèreté de vivre. Je lui montrerais le ciel où les anges, en s’essuyant les mains dans un nuage, donnent une peinture de Turner, et je prendrais pour lui une poignée de cette terre, sur laquelle nous allons. Je lui dirais qu’un livre c’est comme une chanson, que ce n’est rien, que c’est pour dire tout ce qu’on ne sait pas dire, et je couperais pour lui une orange. La promenade se poursuivrait loin dans le soir.
Dans le silence, nous découvririons enfin, lui et moi, la réponse à sa question.
Dans l’immensité lumineuse d’un silence que les mots effleurent sans le troubler. » (Christian Bobin)